Portrait

Cook Team meets Chefkoch Dominic Bürli

Gasthaus Wildenmann, Buonas

15 points Gault&Millau

Dominic, ici, depuis le restaurant Wildenmann, à Buonas, on a une magnifique vue sur le lac de Zoug. Est-ce qu'il vous arrive d'en profiter?
Oui, bien sûr. Après une journée éreintante, lorsque l'on vient s'asseoir ici à l'arrière sur notre petite terrasse ou en bas dans le jardin, c'est toujours un peu comme des vacances ou une sensation de week-end. Un havre de paix dont le calme n'a pas de prix, on se sent dans un autre monde.

Vous pérennisez ici l'œuvre de votre père, Beat Bürli, un cuisinier hors pair décédé inopinément en 2019. Comment fait-on pour reprendre un tel flambeau?
La vie doit continuer. J'essaie tous les jours de donner le meilleur de moi-même et de maintenir la même qualité, pour ne pas perdre nos clients. Je crois que le secret, c'est d'être chaque jour gonflé à bloc pour aller en cuisine. Et si l'on n’arrive malgré tout pas à convaincre les hôtes ou à conserver ses points, alors on aura au moins essayé. Mais je crois vraiment que nous sommes bien partis. Les hôtes sont très contents et ça tourne plutôt bien. 

Quelle est la chose la plus importante que vous ayez apprise de votre père, en tant que cuisinier?
L'amour du métier avant tout. Mais aussi donner le meilleur de soi-même chaque jour, aller au bout de ses idées et rester réaliste, les pieds sur terre.

Vous dirigez aujourd'hui le «Wildenmann» avec votre mère. Formez-vous une bonne équipe?
Tout à fait, je dirais même une équipe parfaite! (rit) Nous avons poursuivi ensemble ce que mes parents avaient mis en place. À savoir que j'ai repris la cuisine et les achats, et ma mère s'occupe du service et de l'administration.

Au restaurant Wildenmann, vous avez démarré à un haut niveau avec 15 points Gault&Millau que vous avez réussi à conserver. Que représentent ces points pour vous?
Ces 15 points sont très importants. Je suis fier de les avoir obtenus et d'avoir pu les conserver deux années de suite. Mais tout aussi importants pour moi sont les retours de nos clients habituels, ceux qui ont suivi tout le processus de transition.

D'autant que vous ne vous êtes pas contenté de reprendre le restaurant, vous y avez aussi apporté votre style. Que peut-on dire qui soit typiquement «Dominic Bürli» dans votre cuisine?
Tout ce qui est foie de canard, et l'une ou l'autre préparation de poisson plus modernes. Les fondamentaux, eux, sont restés essentiellement les mêmes. J'ai beaucoup appris de mon père, notamment un certain respect pour les habitués de la maison et le fait que l'on n’arrive pas comme ça quelque part en changeant tout d'un seul coup. Ce qui ne m'a pas empêché d'apporter ma touche ça et là.

Quelle importance revêt pour vous le maintien de la tradition de la maison dans la cuisine? 
Perche, corégone, brochet, rötel de Zoug – le poisson est simplement indissociable de la maison. Tout comme les préparations meunière, à la zugoise ou en pâte à frire à la bière sont autant de mets bien ancrés à la carte. J'ai aussi appris à estimer à sa juste valeur le fait de pouvoir se procurer le poisson directement chez le pêcheur.

À côté du poisson du lac de Zoug, le gibier local fait aussi partie des spécialités du Gasthaus Wildenmann. Lequel des deux vous tient le plus à cœur?
C'est difficile à dire. Maintenant, c'est probablement le poisson, parce que nous en avons 365 jours par an. Et cela crée une certaine intensité dans les échanges: j'ai des pêcheurs amateurs qui viennent m'apporter les brochets qu'ils ont attrapés. À côté de cela, j'achète aussi à des pêcheurs professionnels du poisson de première fraîcheur que nous apprêtons et servons directement. C'est vraiment idéal. Cela dit j'adore aussi le gibier, même s'il ne reste chez nous que deux mois par an à la carte. Nous nous fournissons aussi directement en gibier chez le chasseur.

Quelle est pour vous l'importance de connaître la provenance des produits avec lesquels vous travaillez?
C'est extrêmement important. Pour la viande par exemple, je travaille encore avec la même boucherie que celle de mon père. Je peux rentrer dans l'atelier, jeter un coup d'œil à mon aise et choisir moi-même mes produits. Le pêcheur, lui, m'appelle tous les matins pour me dire ce qu'il a à proposer. Idem pour le chasseur qui passe simplement un coup de téléphone quand il a quelque chose pour moi. Je suis en étroite relation avec eux. Même chose pour les légumes des cultivateurs qui produisent pour nous. Nous arrivons ainsi à couvrir, si pas toute, en tout cas la plus grande partie de nos besoins. J'aime avoir un contact avec la marchandise et j'essaie de transmettre à mon équipe le sens du respect des produits, pour qu'ils apprécient à sa juste valeur tout ce qui est à notre disposition.

Quels produits de Transgourmet/Prodega utilisez-vous?
Dans la gamme Premium, je découvre sans cesse des articles spéciaux de qualité top. Le poivre de montagne de Tasmanie par exemple ou le vinaigre d'orange, qui a une acidité parfaite. Je l'utilise beaucoup en cuisine, pour tout ce qui a besoin d’un peu d'aigreur.

Vous avez pratiquement grandi dans les restaurants, vos parents ayant d'abord tenu le restaurant «Wirtshaus zur Sonne» à Ballwill, puis le Gasthaus Wildenmann à Buonas. Votre vocation de cuisinier a-t-elle toujours été claire? 
Loin de là. Mes parents m'ont toujours laissé le choix. Ils n'ont jamais fait pression. Et puis à un moment donné, je me suis aperçu que cuisiner était quelque chose de beau, et que je le faisais avec plaisir. À 13 ou 14 ans j'étais toujours fourré en cuisine. J'ai fait un essai et cela m'a totalement plu. C'est comme cela que ça a commencé. 

Que trouvez-vous de plus fascinant dans le métier de cuisinier?
Tout! La nécessité de travailler en équipe, la possibilité de laisser libre cours à la créativité aussi. Il faut être très constant, mettre le meilleur de soi dans chaque assiette. On ne peut pas se permettre de baisser de régime ne fut-ce qu'un quart d'heure pendant le service. Il faut être régulier et concentré pour chaque assiette. À part ça, c'est un vrai plaisir d'avoir l'occasion de rencontrer autant de personnes différentes. Je suis du genre à aimer fréquenter beaucoup de monde.

Avant votre retour au Wildenmann, vous avez accumulé de l'expérience dans d'autres établissements. Quelles sont les étapes de votre carrière qui vous ont le plus marqué?
Tout d'abord mon apprentissage chez Werner Schürch, à Berthoud. J'y ai reçu d'excellentes bases. On a appris à serrer les dents et à travailler dur. Ensuite je suis allé chez Nik Gygax au Löwen de Thörigen, aujourd'hui malheureusement décédé lui aussi. C'était un bon ami de mon père. J'y ai travaillé deux ans comme second. Cela m'a marqué de pouvoir travailler avec une personne aussi incroyable: à 60 ans, son enthousiasme pour le métier était toujours intact, il venait encore avec des nouvelles idées. Sans lui, je serais incapable de faire ce que je fais aujourd'hui. 

Qu'avez-vous appris de lui?
J'ai reçu énormément de choses de mon père, et de Nik Gygax aussi. Je ne suis pas le genre de cuisinier qui reste dans sa cuisine toute la journée pour élaborer un plat, je me lance simplement dans une préparation. Avec Nick Gygax c'était la même chose: cela nous arrivait d'avoir 30 clients pour un menu de 5 ou 6 plats le soir. Si je lui demandais juste avant l'ouverture du restaurant ce que nous allions cuisiner, il partait jeter un coup d'œil dans le frigo, rassemblait des ingrédients et se mettait à préparer quelque chose. J'ai appris énormément sur le métier avec lui, il savait tout. Sans parler de son sens du goût incroyable. 

Depuis 2020 vous faites partie des JRE Jeunes Restaurateurs. Dans quelle mesure profitez-vous de cette association?
L'ambiance entre nous est très conviviale, on peut par exemple appeler quelqu'un s'il y a un problème ou simplement aller manger l'un chez l'autre. J'ai aussi plusieurs hôtes qui affirment se rendre spécialement dans les établissements repris dans le guide, ce qui nous a permis d'accueillir de nouveaux clients. Les guides sont présents un peu partout, les gens les emportent et les consultent régulièrement. C'est vraiment une très bonne chose.

Quels sont les trois restaurants les plus fascinants dont vous aimeriez pousser la porte?
J'aimerais bien découvrir un jour un des restaurants de Daniel Humm. Il a aussi travaillé dans le temps chez Nik Gygax et j'ai eu l'occasion de le rencontrer une fois. J'aimerais également aller manger chez Tim Raue, entre autres parce que je le connais de Kitchen Impossible. Et quelque part dans un pays nordique, parce la cuisine y est vraiment passionnante.

Est-ce que cela vous est arrivé de louper complètement quelque chose en cuisine?
Pendant mon apprentissage, j'ai une fois raté ma glace 20 fois d'affilée. Je ne risque pas de l’oublier. Aujourd'hui ça va tout seul. Sinon, évidemment, il arrive parfois de commencer une assiette et que quelque chose parte de travers. Dans ce cas-là il suffit de recommencer.

Quel est le meilleur plat que vous ayez jamais cuisiné ou dégusté?
Je m'en souviens comme si c'était hier, c'était pendant mon apprentissage chez Nik Gygax, une symphonie de tomates avec six textures différentes, associées avec de l'oursin et des crustacés. Inoubliable.

Gasthaus Wildenmann
St. Germanstrasse 1
6343 Buonas

www.wildenmann-buonas.ch

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